"L’important n’est pas ce qui nous arrive, mais la façon dont nous y répondons, car nous pouvons toujours changer le changeable et accepter l’inchangeable."
Ce sont là des exemples de ces « contre-valorisations » que propose la thérapie dielienne à notre réceptivité aiguisée par la souffrance nerveuse.
La thérapie dielienne consiste donc en un travail patient de rectification de nos erreurs de jugement sur nous-mêmes et sur les autres, le monde.
Elle est une psychanalyse, car voyant dans le refoulement la cause dynamique de l’angoisse pathologique, conformément à l’intuition fondatrice de Freud, elle cherche le soulagement libérateur dans une analyse des profondeurs extra-conscientes de la psyché, le travail de défoulement.
Elle se distingue des formes de psychanalyse qui ont rapidement divergé à partir du freudisme originel, en définissant que ce qui est pathologiquement refoulé de manière dynamique n’est ni le souvenir d’un traumatisme accidentel, ni des désirs sexuels ou matériels socialement inavouables, mais la vérité sur soi et sur les conditions de l’existence.
Diel a identifié une instance extra-consciente inspiratrice en chacun de sa relative lucidité, qu’il a appelée surconscient, et dont il a montré la nécessité vitale. Le surconscient-guide est en effet l’analogue évolué de l’instinct animal.
La culpabilité essentielle, émanation du surconscient, est la lucidité de l’individu à l'égard de ses propres limites et du sens de la vie. Son refoulement crée le subconscient, instance caractérisée par les ambivalences de la valorisation. C’est le processus pathogène fondamental : en abrégé, c’est la vanité dans sa signification profonde (le vide).
La psyché, la vie psychique, notre monde intérieur, notre intentionnalité, est constituée de l’ensemble de nos désirs retenus et valorisés, en attente de leur satisfaction, devenus ainsi les motifs de notre comportement (de nos actions futures). Chacun de nos motifs est un centre énergétique qui se situe dans le “cadre pulsionnel”, c’est à dire une réponse à l’incitation nutritive élargie (matérialité), propagative élargie (sexualité), ou orientatrice élargie (spiritualité). La psyché est libre d’angoisse dans la mesure où ces trois pulsions à fondement biologique peuvent être satisfaites en harmonie, c’est à dire sans préjudice de l’une sur l’autre. Cet état n’est possible que dans la mesure où les motifs eux-mêmes sont harmonisés.
Il en résulte que notre activité psychique essentielle consiste en une constante délibération : si notre intellect conscient est la forme d’imagination représentative tournée vers le monde extérieur, par laquelle nous délibérons pour surmonter les obstacles que ce dernier oppose à la satisfaction de nos désirs, un plan de délibération plus profond nous est indispensable pour trier les motifs, les revaloriser, les dissoudre ou les renforcer, de sorte à re-concentrer notre énergie intentionnelle vers les promesses de satisfaction les plus valables. Cette délibération profonde organisatrice de notre intentionnalité constitue l’activité valorisatrice de l’esprit. Elle définit ce qu’est l’esprit humain.
Toute psychanalyse invite implicitement à observer notre vie intérieure, autrement dit à une introspection. Diel reconnaissait à Freud un grand talent introspectif, car comment le psychologue peut-il deviner ce qui se passe dans le for intérieur d’autrui, sinon par projection de ce qu’il trouve dans sa propre délibération ? L’erreur de Freud a été de dogmatiser jusqu'à l’absurde sa théorie pansexuelle.
Diel a “élevé l’introspection au rang d’une méthode”, pour reprendre l’appréciation d’Einstein. C’est cette méthode introspective qui engendre la technique analytique diélienne : grâce à elle, l’introspection peut éviter en principe le danger de la morbidité subjective, et atteindre l’objectivité assainissante.
Cette méthode, Diel l’a construite de définition en définition, ce qui est tout à fait caractéristique de la démarche scientifique qui découvre peu à peu les contenus de son champ de recherche, et comprend la nécessité de les cerner le plus précisément et concisément possible, en termes d’un langage conceptuel communicable et par là transmissible. Les contenus sont dans ce cas ceux de notre monde intérieur, les éléments de notre incessante délibération.
Diel a pu d’autant mieux découvrir simultanément les articulations légales entre ces éléments, les lois du fonctionnement psychique, qu’il pouvait s’appuyer sur des définitions claires. Toutes ces découvertes de Diel ont été le fruit de son introspection systématique, mais aussi le fait d’un génie scientifique remarquable.
La thérapie ne consiste pas en l’administration d’une “pilule” magique assortie d’exercices quasi-rituels, ni en la recherche d’un hypothétique “abréaction” des traumatismes enfouis. La thérapie consiste à apporter au patient le moyen expérimental, basé sur la cohérence de la théorie, de l’assainissement progressif de sa délibération profonde. Le dialogue entre le thérapeute et son apprenti est un combat contre les résistances subconscientes qui s’opposent au défoulement de la coulpe vitale, et l’adhésion peu à peu renforcée par l’expérience répétée du profond soulagement éprouvé à ce défoulement responsable. C’est une nouvelle éducation de l’esprit, le plus souvent au long cours, visant l’autonomie dans l’auto-contrôle introspectif.
L’acquis psychologique devient peu à peu une seconde nature positive qui s’exprime spontanément dans les circonstances de la vie, sans que le travail conscient d’analyse et dissolution des faux-motifs n’ait plus à s’interposer entre excitation et réaction. Par contre, cet acquis s’est forgé peu à peu à travers ce travail analytique supervisé par le thérapeute. Il est encore définissable comme une capacité développée à trouver la solution juste au calcul de satisfaction. Il accroît la satisfaction essentielle, satisfaction de l'élan avec la solution du grand calcul, en y subordonnant sans la négliger la satisfaction accidentelle, solution du petit calcul.
La thérapie diélienne conduit effectivement vers la santé psychique, terrain le plus favorable au maintien de la santé somatique. Mais il ne s’agit pas d’un état statique : d’une part chacun doit faire face quotidiennement au flux des circonstances accidentelles qui s’opposent à sa quiétude; d’autre part, notre psychisme recherche l’intensité, l'éveil intensif, solution juste à l’inquiétude fondamentale devant la mort.
La santé psychique se fonde dans l’acceptation du combat difficile inhérent à la vie, laquelle nous met au défi d’harmoniser les excitations comme les incitations.
Nous acceptons ce combat d’autant mieux que nous mesurons notre force, c’est à dire que nous défoulons notre culpabilité essentielle (que nous diminuons notre vanité). Nous constatons alors que nos forces se développent dans cette même mesure (l’exercice développe la musculature et sa coordination, le fonctionnement sain crée l’organisation).
Nous récupérons l'énergie précédemment bloquée dans la tâche exaltée, et nous re-concentrons celle que nous avions dispersée dans la banalisation. Notre pulsion spirituelle se satisfait réellement dans cette supervision régulatrice de nos pulsions matérielle et sexuelle.
La joie de vivre est la récompense de ce déploiement de notre élan. C’est un état d'âme détaché des circonstances heureuses ou malheureuses, fondé dans l’auto-estime pour notre accomplissement de la tâche vitale.
Cet état d'âme n’est jamais établi une fois pour toutes, mais plus nous l’avons goûté, plus nous le regretterons : notre assurance-vie (essentielle) c’est la méthode acquise, car ce fil d’Ariane nous guidera à nouveau vers le défoulement de notre faute vitale.
Idéalement, chaque séance devrait se solder pour le patient par un sentiment de soulagement relatif. C’est l’expérience répétée de ce soulagement qui peu à peu confortera l’adhésion et débordera la résistance. La cause angoissante actuelle étant un faux motif refoulant et refoulé, ce soulagement résulte de la sublimation de l’exaltation qui entretient ce faux motif, rectification du calcul de satisfaction du patient rendue possible par sa compréhension des explications de l’analyste, c’est à dire le travail commun de spiritualisation.
Les séances se déroulent en face à face, et consistent donc en un dialogue. L’analyste propose à son patient une révision plus objective de la situation irritante et/ou angoissante, en faisant la part de la responsabilité de ce dernier dans la dramatisation, l’amplification affective de sa réaction.
Il y réussira en s’appuyant sur sa connaissance longuement éprouvée des lois du fonctionnement psychique, et en particulier du cadre catégoriel de la fausse motivation : l’analyste doit maîtriser le calcul psychologique pour arriver à expliquer séance après séance à l’analysé comment les errements subconscients de son calcul de satisfaction déterminent les états dont il souffre.
En effet, l’affectivité du patient s’exprime nécessairement selon l’un des quatre pôles ambivalents de la décomposition de sa valorisation de lui-même et de son ambiance : sur-valorisation vaniteuse et dévalorisation coupable de lui-même, dévalorisation accusatrice et survalorisation sentimentale de l’autre, de l’ambiance. “L’essentiel n’est pas ce qui nous arrive, mais la façon dont nous le vivons” répétait Diel. Le but de l’analyste est donc d’attirer l’attention introspective du patient sur l’essentiel de sa réaction, quand ce dernier est conforté par toutes les conventions à rester fixé sur les circonstances accidentelles, et à l’interprétation affective qu’il se croit justifié à en faire.
Chaque séance consiste donc pour une part à démontrer ainsi “sur le terrain”, au patient, par l’analyse au moyen du calcul psychologique, des situations vécues, l’intérêt fondamental qu’il y a à diminuer ses évasions vaniteuses et leurs fausses justifications, car c’est la clé du soulagement de ses angoisses coupables, le chemin unique de la reconstruction d’une estime de soi pondérée. Pour cela il est nécessaire d’élucider les promesses de satisfaction exaltées qui entretiennent ces évasions, de préciser leur caractère fallacieux, de faire le lien avec les échecs et les angoisses qui en résultent, et d’y opposer en contraste la promesse de satisfaction qu’est la libération des ambivalences. C’est ce que Diel appelle le travail de contre-valorisation.
Mais un temps suffisant doit aussi être consacré à la traduction d’un ou plusieurs rêves du patient, selon la productivité de ce dernier. En effet, d’une part le rêve contient pour le thérapeute une information directe sur l’état de la délibération extra-consciente du patient, qui lui permet d’apprécier les progrès ou les reculs de l’acquis, d’anticiper les rechutes, mais aussi les franchissements d'étapes. D’autre part le patient se retrouvant deviné en profondeur, y reçoit chaque fois une démonstration de la puissance de pénétration de la méthode, et un contact émouvant avec son moi essentiel, partagé entre séductions de la vanité, et appels de l'élan évolutif, résistance et adhésion.
Rappelons en brièvement le principe : le rêve est une fonction vitale pour notre psychisme qui ne peut se ressourcer, se ré-harmoniser, sans assimiler, “digérer” les excitations apportées par la vie diurne, mais aussi valoriser ses propres incitations pour arriver à sélectionner ses réactions.
Les neurophysiologues ont montré que le rêve intervient notamment durant les phases de sommeil appelé “paradoxal” car alors que tous les autres paramètres physiologiques caractérisent l’endormissement le plus profond, l’encéphalogramme indique une intense activité corticale. Les sujets réveillés systématiquement pendant ces phases, ne tardent pas à présenter des troubles de l’humeur.
Diel a postulé que le rêve est une poursuite de la constante délibération diurne mi-consciente de l’individu à la recherche de sa satisfaction : celle de l’accalmie non seulement par rapport aux excitations accidentelles, mais encore à l’inquiétude vitale essentielle.
Pendant le sommeil profond, la motricité est complètement inhibée, de même que les perceptions sensorielles. L'être est entièrement retranché dans son monde intérieur. Sa délibération se poursuit dans le mode archaïque du langage symbolique : il la met en scène avec les décors, les objets, les personnages du monde extérieur qu’il a intériorisés. De cette pièce de théâtre il est le héros, et tous les acteurs à la fois. Le scénariste est le moi extra-conscient tour à tour subconscient ou surconscient, selon que l’emporte la tendance innée au refoulement vaniteux de la coulpe vitale (le “péché originel de la nature humaine“) ou l’appel non moins inné de l’élan vital à l’élucidation.
Morphée procure le rêve aux hommes [par Tom Nanson]
Au réveil, nous gardons un souvenir plus ou moins fugitif de ces aventures nocturnes, de ces mythes individuels selon l’expression de Diel, et nous pouvons en restituer un récit tout comme si nous l’avions réellement vécu dans le monde extérieur. Ce récit énigmatique a toujours fasciné l’homme, défié son esprit avide d’explications.
Aux époques pré-scientifiques le rêve était considéré comme un message des dieux, indiquant au rêveur comment s’orienter face aux circonstances de sa vie. La croyance en un caractère prémonitoire du rêve est tardive, plutôt caractéristique de la décadence post-mythique, et son angoisse nerveuse ou banale devant l’avenir.
Freud inaugura l’approche scientifique du rêve avec son intuition que ce dernier reflète les conflits intrapsychiques inconscients. Il considère l’interprétation des rêves comme “la voie royale vers l’inconscient”.
Mais sa méthode associative laisse une trop grande place à l’arbitraire, et notamment il l’assujettit entièrement à sa théorie pansexuellle. Ses suiveurs continuent cette laborieuse gymnastique, ou bien le plus souvent abandonnent l’ambition de comprendre le rêve.
Diel assoit quant-à lui une méthode de traduction, et non plus d’interprétation, en comprenant que le langage symbolique est le mode primitif d’expression du psychisme humain, évolutivement antérieur au langage conceptuel. Ce langage est commun aux mythes, rêves collectifs fondateurs des cultures, aux rêves individuels, et finalement aux symptômes psychopathiques caractéristiques de la gamme des états individuels involués, régressés à force de refoulement.
Diel munit sa méthode de critères très rigoureux, et notamment celui de la signification universelle et intemporelle d’un symbole authentique, de sorte qu’une fois dégagée cette signification “archétypale”, elle reste la même dans n’importe quel mythe ou rêve (pied > âme ; serpent > vanité…) . Une image symbolique est formée par un emprunt analogique au monde extérieur, pour exprimer un élément du dynamisme intra-psychique.
La traduction méthodique commence par une définition de l’objet extérieur et de sa fonction, au plan de la réalité. Cette définition permet d’induire la signification au plan symbolique. Le plan linguistique apporte souvent une nuance complémentaire, et permet généralement de confirmer la transposition symbolique. L’examen des images sur les trois plans permet en principe d’extraire toute l’information contenue dans le rêve, ce témoignage introspectif extraconscient du rêveur à l’usage de lui-même.
La méthode diélienne de traduction scrute le récit image après image, phrase après phrase. En effet, ce récit exprime le fil de la délibération du sujet, fluctuant en général entre erreur et vérité, exaltation aveuglante et spiritualisation-sublimation, résistance et adhésion enfin, dans le cas d’un psychisme exposé aux propositions de la vérité scientifique sur le fonctionnement psychique et le sens de la vie.
Le fonctionnement psychique est un incessant calcul de satisfaction. Les inconnues de ce calcul largement dérobé au contrôle conscient peuvent être reconstituées avec certitude grâce au calcul psychologique.
C’est aussi le calcul psychologique qui fournit le guide sûr de la traduction des rêves.
Le livre de Jeanine Solotareff “Le symbolisme dans les rêves: la méthode de traduction de Paul Diel” détaille cette méthode de manière approfondie et donne de nombreux exemples de traduction de rêves.
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